La dormeuse du bois
C’est une clôture d’écorce tordue où siffle la brise,
Bousculant précipitamment les feuilles têtues
D’or et sang ; où la nuit, cette couverture morne,
Avance : c’est un bois qui pleure d’automne.
Une jeune fille, joues creuses, poitrine étouffée,
Et les ongles perçant le froid de mousse et terre,
Dort ; elle s’est tortillée sous les bras des arbres,
Blême dans le cercueil des feuilles où la mémoire juche.
Les jambes contre les racines, elle dort. Grimaçant comme
Grimacerait un soldat mourant, le cauchemar :
Chérie, reprend ta route : je n’serai plus dans ton bois.
La chouette du chêne l’appelle, mais vite répond la brise ;
Elle dort cette nuit comme votre arbre, l’effeuillage
Du cœur. Elle tient sa dernière page à la main gauche.
« Il s’est endormi sous le soleil du val vert… »
à Arthur RIMBAUD